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JUIN. — LES ROMANS 187

CHARLES-HENRY HIRSCH

Dame Fortune.

Quel curieux roman ! H a les qualités âpres, violentes, brutales de ses devanciers, la cynique gaieté, l'obser- vation aiguë d'Eça Tumarche, la cruauté sanguinaire du Tigre et de Coquelicot et à'Amaury d'Ornières, et vous y trouverez en même temps tous les éléments d'un roman policier, et aussi, et surtout, une jolie leçon de philosophie narquoise, sceptique et tendre.

Que de choses, dans ces trois cent cinquante pages ! C'est qu'on n'y perd pas de temps : les événements s'y précipitent et l'on voit, dans la même soirée, sous les lustres du Casino, où la partie infernale déchaîne l'émo- tion et la curiosité, les débuts de l'idylle entre Boulotte, la petite femme du Casino, et de bon gros Baigue; — et la fm de la carrière aventureuse du banquier Gotthur que la mort attend traîtreusement, tapie dans l'ombre, cependant qu'il abat des neuf et des huit avec une veine insolente qui ne le mènera pas loin.

L'idylle et le drame se développent côte à côte, l'idylle même profite du drame, et Boulotte s'attache de plus en plus le cœur de son amant, cependant que des policiers valeureux et habiles, et des magistrats ridi- cules et lamentables, s'attachent à percer le mystère du crime; les premiers y parviennent malgré l'hostilité et la maladresse des seconds, les premiers seront d'ail- leurs ou tués ou blâmés, et les seconds recevront de l'avancement !

Et tous ces gens : criminels, victimes, amoureux, policiers, magistrats, dramaturge, — oh ! ce drama- turge ! — s'agitent et grouillent, et jouent, et blaguent, et l'on entend dans cette foule la voix de Baigue qui crie aux échos sa joie d'aimer : il en remercie avec une