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JUIN. — LES ROMANS 191

Comme toujours, ce sont des enfants qui régnent dans la plupart de ces récits : petits faubouriens aux joues creuses et pâles, aux yeux étincelants et profonds. Ces enfants, c'est la carrière de M. Léon Frapié; ils lui ont valu ses premiers succès, ils lui assureront une place tout à fait particulière dans la littérature contempo- raine : il restera en notre temps l'historien, le poète de la misère et de la grandeur puériles.

Ses héros, c'est la multitude grouillante des petits enfants de Gavroche, moins lyriques, mais plus vrais; aussi pathétiques dans leurs chamJbres sans soleil, ou dans leurs préaux de la « maternelle » que le glorieux petit ancêtre sur sa barricade. Ils sont courageux et nobles, ces petits héros et ces petites ménagères de six ans, ils n'ont pas peur des fantômes et des imaginations, il n'y a que la réalité qui puisse parfois les terrifier. Ce n'est pas eux qu'on épouvanterait avec la vieille his- toire du Père Croquemitaine qui emportait les enfants; pauvres marmots battus, affamés ou transis : ils n'ont pas peur qu'on les emporte; mais par exemple, ils ont une sainte terreur de la mère Croquemitaine, une vieille dame très réelle qui arrive parfois dans l'unique chambre du taudis familial avec, à la main, un mysté- rieux cabas. Celle-là n'emporte pas les enfants, elle est bien autrement méchante : sur le lit de la mère malade, elle laisse, au contraire, toujours, avant de s'en aller, un nouveau petit qui va prendre pour lui l'infime par- celle du bien-être qui pouvait subsister encore ; le grand, celui de cinq ans, sera fouetté davantage, et il manquera de soupe encore plus souvent.

Et voyez la grandeur d'âme des enfants : Petit Paul — c'est le nom de notre héros — après une nuit de désespoir, accepte cette punition imméritée, il adopte le nouveau, il lui donne son vieux berceau, il lui don- nera aussi de son lait, de sa soupe quand il en voudra; et gentiment, il dit à sa mère : « Tu peux embrasser ses pauv'petites joues, je ne pleurerai pas ! » Et Petit Paul