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JUIN. — LES ROMANS 195

veuve. Si elle se remariait elle perdrait le bénéfice de cet usufruit. Comme elle a vingt-cinq ans et que Bernard Borel en a trente-quatre, les chances pour ce dernier d'entrer en possession de la fortune sont assez minces et le remariage de la veuve sans aucune ressource per- sonnelle est bien peu probable également.

Il y aurait bien une solution, qui serait le mariage de Bernard Borel et de la jolie veuve, mais cette solution n'est point non plus satisfaisante à cause des origines de M°^6 Archambaud et de sa famille plutôt fâcheuse; et puis, Bernard aime une jeune fille délicieuse, Jea- nine Ardouin, qui par surcroît servirait à merveille ses ambitieux desseins. Seulement il lui faudrait quelque fortune; une seule hypothèse le rendrait donc parfai- tement heureux : la disparition de M^^ Archambaud.

Ces réflexions, elles passent fugitives dans le cerveau de Bernard qui n'est ni un criminel ni un homme d'ac- tion; le hasard met sur son chemin un homme, André Jouve, ex-officier de l'armée d'Afrique, ténébreux ban- dit qui, par une fortune extraordinaire, lui ressemble prodigieusement. Grâce à cette ressemblance, c'est lui qui va prendre en mains la destinée de Bernard et la corriger par des moyens un peu rudes. Il ne le consulte pas, il n'en fait pas son complice, non ! Simplement, Bernard se laisse faire, se laisse porter avec une volon- taire inconscience par les événements qui le feront riche et heureux.

Il apprend ainsi la mort subite de M°^® Archambaud, trouvée pendue dans sa chambre, et, tout en ressentant quelque inquiétude obscure, il accepterait cette déci- sion du destin si Jouve ne reparaissait à l'heure de son agonie pour lui raconter longuement, cruellement, tout lo drame au cours duquel il avait commis, lui, le crime que Bernard avait obscurément conçu et que son hon- nêteté, et aussi, et surtout, sa lâcheté l'avait empêché d'exécuter; avec des images précises, il sème dans son âme le germe empoisonné du remords. Et cet épilogue.