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204 LE Mouvement littéraire

un bloc, la Révolution française se compose de phéno- mènes simultanés mais indépendants les uns des autres. Ses acteurs ne l'ont pas comprise: ils ont cru la mener, ils ont été menés par les logiques qu'ils ne voyaient pas et surpris par les événements dont ils étaient les héros. Quant à nous, spectateurs, historiens et juges, nous l'avons nous aussi regardée sans la comprendre, — suivant nos tendances et nos goûts, nous l'avons mau- dite ou admirée, elle a été pour nous un dogme accepté ou rejeté en bloc — le bloc, toujours ! — sans qu'au- cune logique rationnelle soit intervenue dans un tel choix.

C'est, qu'en réalité, la Révolution est une œuvre de croyants jugée par des croyants; ses héros ont cru fon- der un régime nouveau, ils ont fondé une religion nou- velle dont la fortune ne fut pas longue, mais qui leur donna cepen^^ant la force de s'imposer à la France et à l'Europe.

Quant au reste, quant à cette fondation d'une ère nouvelle, à cette abolition du passé dont ils se sont flat- tés, dont on leur a fait gloire, quelle erreur ! Le passé ne meurt jamais; il est plus encore en nous qu'en dehors de nous, et les « géants » n'ont jamais cessé de subir les influences ancestrales.

Ont-ils cependant créé quelque chose? Oui, ils nous ont légué cette idée de l'égalité qui s'épanouit aujour- d'hui dans le socialisme, et c'est un joli cadeau qu'ils nous ont fait là !

\f^ Ne leur en veuillons pas trop ; ce n'est pas leur faute : les assemblées de la Révolution, impulsives et crain- tives, furent dominées par un petit nombre de me- neurs et agirent le plus souvent en sens contraire des volontés individuelles de leurs membres — voilà qui ressemble singulièrement à une étude de la Chambre de 1912 ! — les gens de la Révolution ont obéi à des forces irrésistibles dont ils n'étaient pas maîtres. Croyant agir au nom de la raison pure, ils subissaient