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FÉVRIER. — LÉS ROMANS 23

ment toutes les étapes de TAnnée terrible. Evocation douloureuse et nécessaire : n'est-ce pas en revivant, en étudiant sans cesse la défaite que nous appren- drons, selon la forte parole du lieutenant -colonel Picard, « à n'avoir plus des âmes de vaincus »?

Dans son nouveau roman, IM. Victor Margueritte traite le même sujet, il peint avec les mêmes couleurs le tableau du désastre ; mais ce ne sont plus de grands personnages collectifs : l'armée et la ville de Metz ; c'est un homme et une femme, c'est le drame d'un foyer. Enfermée dans ce cadre restreint, la tragédie n'est pas moins formidable; elle est plus directe, plus poignante, plus significative encore. Marthe Ellangé, fille du pro- cureur impérial Ellangé, petite-fille du vieux grognard Jean-Pierre, qui suivit le tondu sur toutes les routes d'Europe, a, malgré les conseils de son père, malgré la réprobation de ses frères Jacques, le lieutenant, et Louis, l'étudiant en droit, épousé, en 1687, Otto Rud- heimer, un brave et excellent médecin hessois qu'elle aime très tendrement et qui, par toutes ses qualités morales et intellectuelles, mérite son amour.

Elle est partie avec lui à Marbourg, et là, dans la petite ville allemande, en compagnie de son institu- trice Frida Lehmann, enchantée de ramener chez elle la petite Française, elle a vécu des jours heureux, elle s'est adaptée au milieu, elle a négligé, presque oublié les siens, laissés à Amiens. Ce calme bonheur dure depuis trois ans; il atteindra bientôt à son comble par la venue d'un enfant qui, déjà, palpite dans ses flancs. Au printemps de 1870, le jeune ménage a décidé, après un voyage en Italie, de faire un séjour à Amiens pour revoir les parents si longtemps délaissés.

Et les événements se précipitent : la guerre est N'clarée. Marthe, toute pleine d'angoisse, assiste au part de son frère Jacques, à celui de son mari, appe- ^ dans les deux armées ennemies; elle sent peser sur le, sur eux, la tragique fatalité. Et c'est le désastre,