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24 LE MOUVEMENT tltT^RAittË

les nouvelles terribles qui se succèdent avec rapidité; c'est son frère aîné tué, son frère cadet dangereusement blessé, son grand-père foudroyé par la nouvelle de Sedan, cependant que, Téchéance arrivée, elle met au monde le petit Hermann.

Marthe alors comprend toute Tiiorreur de sa situa- tion, mais elle n'hésite pas : Française elle est née, Française elle restera et son petit ne sera pas un Prus- sien, il sera le petit Français Jean-Pierre. Elle com- prend l'impiété du hideux sophisme : ubi bene ibi Patria. Son mari qu'elle a tant aimé, elle se sent inca- pable désormais de vivre auprès de lui, elle le lui dit durement, inexorablement, et tout en songeant que cet homme généreux et bon ne mérite pas un si dur trai- tement, nous éprouvons un grand soulagement. Bravo, la petite Française ! Vous êtes peut-être injuste envers un homme, mais vous faites votre devoir envers la race, envers la Patrie.

Et Otto s'incline douloureusement, rageusement; il sent que jamais, jamais plus, cette Française ne lui appartiendra. Il lui rend sa liberté, il lui laisse même, pour les premières années, l'enfant né de leur amour; après, on verra. Il essaiera de le reprendre, et ces êtres qui s'aimèrent si tendrement sont désormais « inexo- rablement séparés, il y a entre eux des murs invisibles; il y a les frontières du cœur, et plus fort que l'amour, le sentiment de la race et de la patrie, au souffle de la guerre, a balayé le passé. Devant eux s'étend, ainsi qu'une terre disputée, le lointain avenir de leur fils ».

Et c'est un drame pathétique et terrible, un drame vrai, un drame humain. M. Victor Margueritte l'a évoqué avec loyauté, avec rigueur, avec sincérité, et la grande leçon qui s'en dégage, il n'a pas besoin de nous la dire : elle s'impose à nous.