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356 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

trente millions et il estime que tout doit plier devant lui. Il n'a qu'une faiblesse, sa fille Marguerite qu'il adore et qu'il a su d'ailleurs former à son image.

Or, certain jour, Marguerite se laisse aller avec Emile Planquet, un employé de l'usine, à une irrépa- rable faiblesse, cependant que son père commet sur Adrienne Joret, la fille d'un vieil ouvrier, le plus odieux des attentats. La fille a connu le crime du père, le père a surpris la faute de sa fille : ils ne s'attardent pas en reproches superflus; n'ont-ils pas l'argent, ultima ratio, qui répare toutes les fautes et couvre tous les crimes.

Pouf la fille, tout s'arrange à merveille : Emile Plan- quet est expédié au loin, et elle épouse René Jalat, un avocat plein d'ambition et de talent qui a connu sa faute et qui l'excuse. Pour le père, c'est plus difficile : Adrienne a un fiancé à qui elle a dit l'affreux malheur dont elle fut la victime, et ce dernier, après avoir — à peu près — renouvelé le crime du maître, veut se ven- ger : il tente de le poignarder, manque son coup et va se noyer. Justin Bécard, bon prince, offre alors beaucoup d'argent à Adrienne mais cette dernière, fièrement, refuse.

La destinée arrange, d'ailleurs, les choses le mieux du monde, en faisant broyer l'infortunée Adrienne sous les roues d'une automobile qui ramène de leur voyage de noces Marguerite et son mari enivrés de puissance, d'argent et d'espoir. Et après un mo- ment de regret et d'attendrissement, ce digne père et sa fille conviennent que tout est bien. Tant que ce monde sera le monde, il y aura des écraseurs et des écrasés. Ils restent délibérément dans le camp des premiers : ils n'ont pas voulu se laisser aller, « ils ont résisté, repris le dessus : ils ont tout, puisqu'ils ont des millions et des millions. »..