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FÉVRIER. — - LÈS ROMANS 25

LUCIE DELARUE-MARDRUS

La monnaie de Singe.

La Monnaie de Singe que M^^e Lucie Delarue-Mar- drus dénonce à notre mépris, cette monnaie illusoire et fallacieuse qui n'a pas cours, c'est la seule que dis- tribuent aux pauvres assoiffés de tendresse et de sin- cérité, les personnes civilisées et bien élevées. Ce n'est pas une nouveauté, cette dénonciation; mais M"^® Lu- cie Delarue-Mardrus a trouvé une formule nouvelle, créé une figure d'une intense originalité pour nous montrer ce contraste émouvant de la nature franche, loyale, spontanée et de la sournoise civilisation.

La petite Alfreda Stewil, sur la naissance de qui pèse un tragique mystère, fille d'un anglais d'origine française et d'une musulmane du Sahara, a grandi dans l'extrême sud de la Tunisie, en pleine liberté, en pleine indépendance, sauvageonne éprise de l'Islam et qui s'en va à travers les forêts de la Kroumirie au galop de son petit cheval arabe. Elle est délicieuse, cette jeune fille avec sa peau bistrée, ses prunelles fauves et ses cheveux ardents, elle a l'air d'une petite idole de la nature, tout en or; elle se croit très laide. Georges Ménissier, un garçon de seize ans, fils d'un des rares Français installés là-bas, le lui a dit entre lutres aménités, car ils se détestent : les parents de Ménissier très européens, très rigides, méprisent cette petite « arabicote » et la petite Alfreda a horreur de <^es ennemis de l'Islam. A force de se détester ils se -ont mis à s'adorer et c'est un déchirement pour Georges lorsque Alfreda, son père mort, doit partir pour la France, chez sa tante M^^e Antin.

La voilà brusquement, la petite sauvage, jetée en pleine civilisation, en plein monde, à "Saint-Germain