Page:Glinel - Alexandre Dumas et son œuvre, 1884.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 9 —

littéraire d’Alexandre Dumas était à peu près terminée ; aucun des traits de son modèle ne pouvait donc échapper au portraitiste qui nous le dépeint ainsi :

« La France a deux Dumas, comme elle eut deux Corneille. Le père est le plus jeune des deux ; l’enfant prodige est mort, l’enfant prodigue a survécu, et, depuis qu’il existe, a dépensé, sans compter, sa gloire en fusées, son génie en monnaie et sa monnaie partout. Il nous a trop amusés pour que nous lui soyons sévères, et nous l’aimons trop pour ne pas lui pardonner tout. Chose étrange, il a gaspillé plus qu’il n’avait, et il avait reçu assez de talent et gagné assez de bien pour enrichir cent pauvres d’esprit et cent pauvres d’argent. Aimable et bon, mais léger et besoigneux, il écrivit pour ses créanciers, ce qui l’empêcha de se borner, et perdit à ce jeu-là, non pas tout, mais une partie de sa sève et de son talent. Il composa de charmantes histoires, et il en eut de vilaines.

» Comme il voyageait avec fruit et comme il contait avec grâce ! Il s’essaya dans tous les genres, poésie, drame et roman, et partout laissa son souvenir et son sillon. Son imagination fut la folle de tous les logis, et sa fantaisie nuança ses ailes de la couleur de tous les temps et du reflet de tous les cieux. Pour parler le langage hippique, il l’emporta sur Walter Scott d’une