Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la gueule du loup ? Voudriez-vous vous rendre complices des projets barbares de ce vil scélérat, qui, après avoir chassé de chez lui son ancien protégé, l’avoir laissé sans feu ni lieu, lui avoir ôté l’honneur et presque tous les moyens de subsister, enfin l’avoir mis presque hors d’état de trouver un refuge dans le monde, est encore altéré de son sang ? Si personne n’a le courage de mettre un frein à la tyrannie des cours de justice, n’est-ce pas à nous de le faire ? Nous, qui ne subsistons que des fruits de nos généreuses entreprises, voudrions-nous devoir un penny à la bassesse et à l’infamie d’une délation ? Nous, contre qui toute la société est en armes, refuserons-nous notre protection à un individu plus exposé encore à sa persécution que nous-mêmes, quoiqu’il l’ait pourtant moins méritée ? »

La harangue du capitaine fit aussitôt son effet sur toute l’assemblée. « Le trahir ! s’écrièrent-ils tous à la fois. Non, non, pour tous les trésors du monde. Qu’il ne craigne rien. Nous le défendrons au péril de notre vie. Où l’honneur et la fidélité trouveraient-ils asile sur la surface de la terre, s’ils étaient bannis de chez les voleurs[1] ? »

Larkins en particulier remercia le capitaine de son intervention ; il jura qu’il aimerait mieux perdre les deux bras que de faire aucun mal à un aussi digne jeune homme, et de prêter son secours à une scélératesse aussi abominable. En disant cela, il me

  1. Ceci ressemble à une parodie de la célèbre réponse du roi Jean de France, qui avait été fait prisonnier à la bataille de Poitiers.