Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/129

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de cette mégère au milieu de ses agitations. À la fin pourtant sa frénésie commença à se ralentir, et elle demeura convaincue de l’inutilité de ses efforts.

« Laissez-moi aller, dit-elle ; pourquoi me tenez-vous ? Je ne veux pas qu’on me tienne.

— Je ne veux autre chose, sinon que vous vous en alliez tout de suite, répliquai-je. Me laisserez-vous tranquille à présent ?

— Oui, oui, je te dis qu’oui, bâtard du diable ! oui, scélérat ! »

Je la lâchai sur-le-champ ; elle courut aussitôt à la porte, et, la tenant entre-bâillée : « Je saurai bien encore venir à bout de te faire rendre l’âme, me dit-elle ; va, avant qu’il soit vingt-quatre heures, je réponds de toi ! » En disant ces mots, elle tira la porte et m’enferma à la clef. Une action à laquelle je m’attendais aussi peu me fit tressaillir. Où la vieille était-elle allée ? Quel était son dessein ? Je ne pouvais pas supporter l’idée de périr par les machinations d’une pareille sorcière. La mort, sous quelque forme qu’elle soit, quand elle fond sur nous par surprise et sans que l’esprit ait eu le temps de s’y préparer, apporte une terreur impossible à décrire. Mes idées s’égaraient dans un dédale d’horreur et de confusion ; il n’y avait dans ma tête que chaos et tumulte. Je voulus forcer la porte, mais en vain. Je tournai tout autour de la chambre en cherchant quelque outil propre à m’aider. À la fin pourtant je me précipitai sur cette porte avec un effort de désespoir auquel elle céda, et qui me jeta presque au bas de l’escalier.