Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment le criminel qu’on cherchait ; si je n’étais pas celui-là, il ne doutait pas que je ne fusse encore pis ; quelque braconnier, ou que savait-il ? peut-être quelque assassin. Il avait une idée confuse d’avoir vu déjà ma figure dans quelque affaire de ce genre.

Il n’y avait pas à en douter, j’étais certainement quelque malfaiteur. Il était laissé à sa discrétion de m’envoyer, comme homme sans aveu, à une maison de travail, à cause de mon air robuste et des contradictions de mes réponses, ou bien de me faire conduire à Warwick ; c’était par une bonté qui lui était naturelle qu’il avait incliné pour le parti le plus doux. Je pouvais bien être assuré que je ne lui échapperais pas comme cela des mains. Il valait mieux pour le service de Sa Majesté faire pendre un vaurien tel qu’il me soupçonnait d’être, que de se prendre d’une pitié mal entendue pour tous les mendiants du royaume.

Voyant bien qu’il n’y avait rien à faire pour ce que je désirais obtenir avec un homme si intimement pénétré de sa dignité et de son importance, ainsi que de ma parfaite nullité, je réclamai au moins la restitution de l’argent qu’on avait trouvé sur moi. Ceci me fut accordé. Peut-être que Sa Révérence commençait à soupçonner qu’elle avait été trop loin dans ce qu’elle avait déjà fait, et elle en était dès lors plus disposée à se relâcher sur cette formalité accessoire. Mes conducteurs, de leur côté, ne s’opposèrent pas à cette indulgence, pour une raison qui se verra par la suite. Toutefois, le juge ne laissa pas que de s’étendre sur la clémence dont il usait à