Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/153

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cet égard. Il n’était pas sûr de ne pas excéder les pouvoirs de sa charge en m’accordant ma demande. Une si grosse somme ne pouvait pas être venue en mes mains par des voies légitimes ; mais c’était son caractère d’être toujours porté à adoucir la rigueur littérale de la loi, autant qu’il pouvait le faire sans inconvénient.

Il y avait de puissantes raisons pour que ces messieurs, qui m’avaient dans le principe pris sous leur garde, préférassent m’y retenir encore après mon examen subi devant le juge. Chacun est susceptible d’un sentiment d’honneur à sa manière, et ils ne se souciaient pas de s’exposer à la honte qu’ils auraient encourue si on m’eût rendu justice. Chacun aussi est plus ou moins sensible aux charmes du pouvoir ; et ils prétendaient que, si j’avais à sortir favorablement d’affaire, j’en fusse redevable à leur bonté souveraine plutôt qu’au mérite de ma cause. Toutefois, ce n’était pas un honneur imaginaire ni un pouvoir stérile après lesquels ils couraient. Non vraiment, ils avaient des vues plus solides et plus profondes. En un mot, quoiqu’ils eussent résolu de me faire sortir du tribunal du juge de paix dans le même état que j’y étais entré, c’est-à-dire en prévenu, cependant, en dépit d’eux-mêmes, le résultat de l’examen que j’avais subi leur avait fait présumer que j’étais innocent du délit dont ils me chargeaient. Ainsi, comprenant bien que dans cette affaire-ci il n’y avait plus à compter sur les cent guinées offertes pour récompense de la capture du voleur, ils avaient pris le parti de rabattre sur un