Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/159

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vue, qu’ils se sentiront couverts de confusion, et n’oseront certainement pas pousser plus loin une pareille affaire. »

Le vieillard m’écouta avec intérêt et avec un air de curiosité. Il me répondit qu’il avait toujours eu en aversion l’espèce de gens dont j’étais le prisonnier, qu’il répugnait extrêmement à la fonction qu’ils venaient de lui donner, mais que pour obliger sa fille et son gendre, il voulait bien passer par-dessus quelques désagréments : « Votre air, dit-il, et le ton dont vous m’avez parlé ne me laissent pas de doute sur la vérité de vos assertions ; sans doute la demande que vous me faites est vraiment extraordinaire, et je ne saurais deviner quel motif a pu vous déterminer à me la faire et à me juger homme à s’y prêter ; je crois avoir une façon de penser qui n’est pas celle de tout le monde, et je me sens plus d’à moitié décidé à faire ce que vous désirez ; mais au moins, j’exige de vous une chose en retour : c’est de me faire connaître jusqu’à un certain point quel est celui à qui je vais rendre service ; enfin, comment vous appelez-vous ? »

Je n’étais pas préparé à cette question. Mais, quelles que pussent en être les conséquences, je ne pouvais me résoudre à tromper celui qui me la faisait, encore moins dans les circonstances où elle m’était faite. C’est une tâche trop pénible que d’être continuellement obligé de mentir. Je répondis que je m’appelais Williams.

Il se tut. Ses yeux se fixèrent sur moi. Il répéta mon nom, et je le vis changer de visage.