Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/194

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le vrai portrait de cet enfant. Si j’eusse mis de côté mes difformités d’emprunt, j’aurais perdu vraisemblablement tous mes droits à son attachement. Il était, me disait-il, un malheureux vieillard sur le bord de la fosse, et ce cher fils était toute sa consolation. Le pauvre garçon avait toujours été souffrant toute sa vie, mais il lui avait servi de garde-malade ; et plus cet enfant lui avait coûté de soins et de peines quand il était au monde, plus il lui faisait faute aujourd’hui qu’il n’était plus. Il ne lui restait pas un seul ami, et il n’avait personne sur la terre qui s’intéressât à lui. Si cela me faisait plaisir, je pourrais lui tenir lieu de son propre fils ; et il aurait pour moi les mêmes soins et les mêmes attentions.

Je lui exprimai combien j’étais sensible à des offres si bienveillantes ; mais j’ajoutai que je serais désespéré de lui être à charge le moins du monde. « Ma façon de penser, lui dis-je, me fait adopter pour le moment une vie très-retirée et très-solitaire ; ma plus grande difficulté est de concilier ce genre de vie avec un moyen quelconque de gagner mon pain ; si vous aviez la complaisance de m’aider de vos bons offices pour aplanir cette difficulté, ce serait le plus grand service qu’on pût me rendre. » Je lui dis que j’avais toujours eu du goût et une aptitude particulière pour les travaux mécaniques, et que je ne doutais pas de me tirer bientôt d’affaire dans quelque genre d’industrie que ce fût, dès que je m’y appliquerais sérieusement. « Je n’ai point appris de métier, continuai-je ; mais si vous vouliez