Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/195

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me faire la grâce de me diriger et de m’instruire, je travaillerais volontiers avec vous, pour ma nourriture seulement. Je sais fort bien que je vous demande là une faveur extraordinaire ; mais j’y suis entraîné d’une part par la force invincible de la nécessité, et encouragé de l’autre par la confiance que m’inspirent les offres si obligeantes et si amicales que vous m’avez faites. »

Le vieillard, après avoir laissé couler quelques larmes sur le tableau que je lui faisais de ma situation, consentit volontiers à tout ce que je lui proposais. Notre accord fut bientôt conclu, et en conséquence j’entrai en fonctions. Mon nouvel ami était un homme d’une singulière tournure d’esprit. Ce qui le caractérisait principalement, c’était un grand amour pour l’argent et des manières excessivement officieuses et charitables. Il vivait avec la plus grande parcimonie et se refusait tout. À peine fus-je initié dans le métier, que mon travail était déjà de nature à valoir quelque salaire ; il en convint franchement lui-même, et il insista pour que je fusse payé. Cependant, il n’agit pas à cet égard comme auraient pu faire quelques personnes dans les circonstances où je me trouvais, et il ne me remit pas la totalité de ce que je gagnais ; mais il ne me cacha point qu’il me faisait sur mon gain une retenue de vingt pour cent, comme une juste indemnité de la peine qu’il avait prise pour m’instruire, et comme un droit de commission pour m’avoir procuré le débit de mon travail. Cependant, j’étais souvent l’objet de ses larmes ; il était dans la dou-