Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pouvait. Il revendiquait l’honneur d’avoir imaginé à lui tout seul et d’avoir rédigé la légende qui se criait dans les rues, ce qui était, selon lui, un expédient immanquable. Il n’y aurait, ajoutait-il, ni loi ni justice, si ce vilain fieffé qui n’avait rien fait recevait l’argent de la capture, et si lui, qui en avait tout le mérite, n’en recueillait ni la gloire ni le profit.

Je fis peu d’attention à son discours. Cependant il frappa assez ma mémoire pour que j’aie pu me le rappeler dans mon premier moment de loisir. Pour le présent, j’étais occupé à réfléchir sur ma nouvelle situation et sur la conduite qu’elle exigeait de moi. Deux fois, dans les crises de mon désespoir, l’idée de secouer le fardeau de la vie s’était présentée à mon esprit ; mais il s’en fallait bien que ce fût là ma pensée habituelle. Dans ce moment-ci, comme dans tous ceux où l’injustice menaçait immédiatement mes jours, je me sentais plus que jamais disposé à les défendre de tout mon pouvoir.

Toutefois l’avenir s’offrait sous l’aspect le plus sombre et le plus décourageant. Que de travaux et que d’efforts d’abord pour m’arracher de ma prison et ensuite pour échapper à l’activité de ceux qui étaient à ma poursuite ! et le résultat de tant de jours d’alarmes et de persévérance, c’était de me voir ramené au point d’où j’étais parti pour commencer cette effroyable carrière ! À la vérité, j’avais acquis de la célébrité, j’avais gagné le déplorable avantage d’avoir mon histoire criée par les