Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/23

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Défendez-vous de votre mieux, mais n’attaquez pas votre maître. Vous ne devez rien négliger pour faire naître quelque prévention en votre faveur dans l’esprit de ceux qui vous entendent ; mais la récrimination à laquelle vous avez eu recours n’excitera jamais que de l’indignation. Un crime contre la probité peut quelquefois trouver de l’indulgence : la méchanceté froide et délibérée que vous avez fait voir est mille fois plus atroce. Elle prouve que vous avez l’âme d’un démon plutôt encore que l’âme d’un voleur. Toutes les fois qu’il vous arrivera de répéter de pareilles noirceurs, tous ceux qui vous entendront vous réputeront coupable par cela seul, et quand même l’insuffisance des autres indices serait clairement démontrée. Si vous voulez donc bien consulter votre intérêt, qui me paraît être la seule considération qui vous touche, il est important pour vous de vous rétracter sur ce point au plus tôt et par tous les moyens possibles. Si vous voulez qu’on vous croie honnête, il faut commencer par faire voir que vous êtes en état de sentir et de juger la vertu dans les autres. Ce que vous pouvez faire de mieux pour le bien de votre cause, c’est de solliciter le pardon de votre maître, c’est de rendre hommage à la probité et au mérite, même quand ils demandent vengeance contre vous. »

On concevra facilement que la décision de M. Forester me porta un coup terrible ; mais quand je l’entendis m’inviter à me rétracter et à m’humilier devant mon accusateur, je sentis mon âme tout entière se soulever d’indignation. Je répondis :