Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/24

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« Je vous ai déjà dit que j’étais innocent. Je ne me crois pas capable, s’il en était autrement, de l’effort qu’exige l’invention d’une défense plausible. Vous venez de dire qu’il n’était pas au pouvoir de l’esprit le plus subtil de renverser les distinctions du juste et de l’injuste, et dans ce moment même je les vois renversées. C’est en vérité un moment bien épouvantable pour moi. Jeune et sans expérience, je ne connais rien des affaires du monde que ce qu’on m’en a pu dire et ce que j’en ai lu dans les livres. Mes premiers pas ont été accompagnés de cette ardeur et de cette confiance inséparables de mon âge. Dans chacun de mes semblables j’ai cru voir un ami. Je n’ai pas l’habitude des détours en usage parmi les hommes, et je ne sais pas jusqu’où va leur injustice. Je n’ai rien fait pour mériter leur haine ; mais, si j’en juge par ce que je viens de voir et d’entendre, je suis destiné à perdre pour jamais les avantages de l’honneur et de la probité. Je me vois enlever l’amitié de tous ceux que j’ai connus jusqu’à présent, et fermer tous les moyens d’acquérir celle des autres. Je suis donc réduit à chercher en moi seul la source de mon bonheur. Comptez bien que je ne commencerai pas cette carrière par de lâches et honteuses concessions. Si je n’ai plus rien à espérer de la bienveillance des autres, au moins saurai-je maintenir l’indépendance de mon âme. M. Falkland est mon implacable ennemi. Quelque mérite qu’il puisse avoir sous d’autres rapports, il se montre envers moi sans humanité, sans principes, sans remords. Pensez-vous que j’irai ja-