Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/249

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penser de cette entrevue ; mais puisque je ne puis l’obtenir… Quoique cette entrevue me soit pénible, elle ne m’inspire aucune crainte.

— Oh ! madame, répondis-je, ô mon amie, vous que je respecte, vous que j’osais appeler ma mère, pouvez-vous désirer de ne pas m’entendre ? Pouvez-vous, quelles que soient vos préventions contre moi, ne pas vous inquiéter de ma justification ?

— Je ne désire nullement vous entendre. Quand un fait raconté dans sa simplicité flétrit le caractère de celui qu’il intéresse, quelles couleurs pourraient lui faire dire le contraire ?

— Bon Dieu ! pouvez-vous condamner un homme quand vous n’avez entendu qu’une version de son histoire !

— Oui, reprit-elle avec dignité, la maxime d’entendre les deux parties peut être bonne dans quelques cas ; mais il en est d’autres qui sont trop clairs pour laisser le moindre doute. Une défense habile peut me faire admirer votre talent : je le connais déjà, et je puis l’admirer sans aimer votre caractère.

— Madame, aimable et vertueuse Laura, que j’honore dans votre inflexible rigueur, je vous conjure de me dire, par tout ce que vous avez de plus sacré, de me dire ce qui vous a inspiré cette soudaine aversion pour moi.

— Non, monsieur ; je n’ai rien à vous dire. Je vous écoute, parce que la vertu doit souffrir sans confusion la présence du vice. Votre conduite même en ce moment vous condamne. La vertu dé-