Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

daigne les apologies ; elle brille de sa propre lumière et n’a pas besoin de faux dehors. Vous ignorez encore les premiers principes de la vertu.

— Et croyez-vous que la conduite la plus régulière soit toujours à l’abri du soupçon ?

— Certainement. La vertu, monsieur, consiste en actions et non en paroles. L’homme vertueux et le méchant sont des caractères diamétralement opposés, et non distingués l’un de l’autre par d’imperceptibles nuances. La Providence, qui nous gouverne tous, n’a pas permis que nous restions sans moyen de décider la plus importante de toutes les questions. L’éloquence peut chercher à nous embarrasser ; mais je tâcherai d’éviter sa fallacieuse influence. Je ne veux pas laisser pervertir mon jugement et me montrer les choses sous de fausses couleurs.

— Madame, madame, vous ne tiendriez pas ce langage, si vous n’aviez pas toujours vécu dans cette obscure retraite, si vous étiez moins étrangère aux passions et aux institutions des hommes !

— C’est possible ; et si cela est, j’ai à remercier Dieu de m’avoir conservé l’innocence du cœur et l’intégrité de mon jugement.

— Croyez-vous donc que l’ignorance soit la seule et la plus sûre protectrice de ces avantages ?

— Monsieur, je vous ai dit et je vous répète que toutes vos protestations sont vaines. J’aurais voulu que vous nous eussiez épargné, à vous comme à moi, la peine de cette explication. Mais supposons que la vertu soit en effet une chose douteuse, telle que