Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/253

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ne me servait à rien d’avoir été acquitté ? L’avenir, le passé ne m’offraient aucun moyen de soulagement dans mes souffrances ! L’odieuse et atroce imposture inventée contre moi était donc destinée à me suivre partout, à flétrir partout ma réputation, à m’enlever partout l’intérêt et la bienveillance de mes semblables, à m’arracher partout jusqu’à l’aliment nécessaire au soutien de ma vie !

La certitude de voir le terme de la tranquillité dont j’avais joui, l’affreuse perspective de trouver dans chaque retraite les mêmes sentiments de haine, me causèrent une douleur mortelle, et pendant peut-être l’espace d’une demi-heure je fus absolument hors d’état de former une pensée raisonnable, ni de prendre une résolution. Aussitôt que je fus sorti de cet état d’épouvante et de stupeur, aussitôt que mon esprit fut délivré de ce calme de mort qui enchaînait toutes ses facultés, il s’y éleva tout d’un coup comme un vent impétueux et irrésistible qui m’entraîna à abandonner sur-le-champ la retraite qui m’avait été si chère. Je ne trouvai pas en moi la patience d’entrer en explication avec ces bons villageois. J’avais été trop souvent témoin des triomphes de l’imposture pour mettre dans mon innocence cette confiance assurée qu’elle aurait pu donner à toute autre personne de mon âge et de mon caractère. L’exemple récent de mon explication avec Laura pouvait bien contribuer à m’ôter tout courage. Je ne pus supporter l’idée d’entreprendre d’arracher ainsi en détail, et l’un après l’autre, les traits envenimés qui pleuvaient