Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/78

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tion. L’idée de la liaison qui avait eu lieu si longtemps entre nos familles revenait à sa mémoire, et il avait le cœur plus navré que moi-même de mes souffrances. Je fus surpris de le revoir dans l’après-midi. Il me dit que je ne lui sortais pas de l’esprit, et qu’il espérait que je ne serais pas fâché s’il était revenu pour me dire adieu. Je crus voir qu’il avait quelque chose à me dire dont il ne savait comment se débarrasser. Chaque fois qu’il était venu, un des guichetiers l’avait accompagné et n’avait pas quitté la chambre. Cependant je ne sais quelle affaire, un bruit, je crois, qu’on faisait dans le passage ayant excité la curiosité du tourne-clef, celui-ci s’avança jusqu’à la porte pour voir ce que c’était ; Thomas, qui épiait le moment, me glissa dans la main un ciseau, une lime et une scie en me disant d’un air affligé : « Je sais bien que je fais mal ; mais, dût-on me pendre à mon tour, je ne saurais qu’y faire : c’est plus fort que moi. Pour l’amour de Dieu, tirez-vous d’ici ; je ne peux pas y tenir seulement que d’y penser… »

Je reçus avec une grande joie son présent, que je serrai bien vite dans mon sein, et, aussitôt qu’il fut parti, je cachai le tout dans la paille de ma chaise. Pour lui, dès qu’il avait eu rempli l’objet de sa visite, il avait pris congé de moi.

Le lendemain, les geôliers, je ne sais pourquoi, mirent plus de soin que de coutume dans leurs perquisitions, disant, sans pourtant donner aucun motif de leurs soupçons, qu’ils étaient sûrs que j’avais en ma possession quelque instrument qu’il fallait