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LA GAGEURE.

son ardeur. Éléonore aime peut-être Édouard plus tendrement encore qu’auparavant ; elle n’attend que le moment de rentrer dans ses premiers droits.

Foerster.

C’est ce que nous verrons.

Dorn.

Eh bien, observons-les tous deux. Au plafond de ces chambres est une ouverture secrète : allons-y nous convaincre par nous-mêmes. (Ils sortent.)


Scène V.

Deux chambres séparées, bien meublées, où se trouvent toutes sortes d’objets de distraction, tels que livres, instruments de musique, etc. On voit la porte, le rideau et le grillage dont il a été parlé plus haut.


ÉLÉONORE, ÉDOUARD, DORN, FŒRSTER, et, à la fin, JEAN et FRÉDÉRIQUE.

Éléonore est dans la chambre à droite, Edouard dans celle à gauche ; Dorn et Fœrster sont au-dessus. Edouard va et vient à pas précipités ; il se parle vivement à lui-même ; il paraît tantôt troublé, tantôt irrésolu. Éléonore, triste, un ouvrage à la main, regarde en soupirant du côté de la porte, puis ses yeux s’arrêtent sur un portefeuille au chiffre d’Edouard, et elle le baigne de larmes.

Édouard.

Non, je ne sortirai pas ! Où irais-je ? Qu’entreprendre ? Rien ne m’intéresse, tout me déplaît. Elle me manque ! Éléonore, ô la plus noble, la plus aimante, la plus aimable des femmes ! Où sont les heureux moments que je passais près d’elle, où elle m’enchaînait par sa ravissante figure, par son doux caractère ? Elle était ma première et ma dernière pensée ; sa sympathie, sa tendresse, doublaient chacun de mes plaisirs ; auprès d’elle je trouvais le délassement après le travail : à présent, je suis mécontent. Que de fois elle a égayé de tristes heures par son aimable chant ! Chaque mot qui parlait d’amour répondait doucement à mon cœur. De quel ravissement j’étais capable ! Ses caprices passagers ne sont pas même aussi fâcheux que je l’imaginais dans mon impatience. Pourquoi ai-je été si prompt ?