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LA GAGEURE.

rais m’oublier, Édouard ?… Que dois-je faire ? Comment le ramener ? Ah ! excellente idée !… Peut-être cela produira-t-il son effet. (Elle prend vivement la guitare ; elle se place tout près de la cloison, à côté de la porte, de manière qu’on ne peut la voir du grillage. Édouard, assis et rêveur, se ranime à ces accords, reconnaît la voix qui l’a ravi si souvent. Sans prendre le temps de réfléchir, il tire le rideau ; il cherche à voir Éléonore, mais inutilement. Éléonore s’avance vers la porte pour écouter : elle voit le rideau tiré, elle voit son amant. Elle exprime la frayeur et le ravissement. La porte s’ouvre : Éléonore, avant de se reconnaître, est dans les bras d’Édouard.)

Édouard et Éléonore :

Je te retrouve ! Je suis à toi !

Dorn et Foerster, entrant.

Bravo ! bravo ! (Édouard et Éléonore paraissent confus.)

Dorn.

Enfants, qu’avais-je dit ?

Éléonore.

C’est Édouard qui est venu à moi.

Édouard.

Non, c’est elle qui a voulu voir si j’écoutais.

Dorn.

Vous avez raison tous les deux. Au fond, personne n’a perdu la gageure. Le même sentiment vous animait ; vous avez agi comme il convenait à un jeune homme, à une jeune fille. Éléonore a tâché par finesse de te résoudre à tirer le rideau ; tu as cédé avec plus d’ardeur au sentiment ; Éléonore voulait seulement t’éprouver sans se découvrir. Vous avez montré que, dans les nobles et sensibles cœurs, se passent les mêmes mouvements ; seulement ils s’expriment de manières diverses et convenables. Vous êtes dignes l’un de l’autre. Aimez-vous. Pardonnez-vous de petites faiblesses, et tâchez que l’amour mutuel vous dédommage de tout.

Éléonore.

Ce jour sera sacré pour nous.

Édouard.

Tu nous as enseigné à aimer véritablement.