Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/13

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consume devant ses lèvres le bonheur auquel il touchait1. Ses pensées errantes volent sans cesse vers les foyers de son père, où le soleil ouvrit, pour la première fois, le ciel devant lui ; où, dans leurs jeux, les frères et les sœurs s’attachaient de plus en plus l’un à l’autre par de doux liens. Je ne conteste point avec les dieux ; mais la destinée des femmes est digne de pitié. Dans sa maison et à la guerre, l’homme commande, et, en pays étranger, il sait se suffire. C’est lui qui a les jouissances de la possession ; c’est lui que la victoire couronne ; une glorieuse mort lui est réservée. Que le bonheur de la femme est resserré en d’étroites limites ! Obéir à un époux sévère est déjà pour elle un devoir et une consolation : quelle est sa détresse, s’il faut même qu’une destinée ennemie la jette sur une terre lointaine ! C’est ainsi que Thoas, homme généreux, me retient ici captive, en des "liens austères et sacrés. Combien je suis confuse d’avouer que je te sers avec une secrète répugnance, ô déesse, ma libératrice ! Ma vie devrait être consacrée à te servir librement* Aussi ai-je espéré sans cesse, et j’espère encore en toi, ô Diane, qui m’as recueillie en tes bras divins et propices, moi, fille abandonnée du plus grand des rois. Oui, vierge céleste, si l’homme puissant que tu désespéras, en lui demandant sa fille ; si cet Agamemnon, pareil aux dieux, qui offrit sur ton autel son plus cher trésor, a été ramené par toi glorieusement dans sa patrie des ruines de Troie ; si tu lui as conservé son épouse, Electre et son fils, précieux trésors : veuille enfin me rendre aussi à.ma famille, et moi, que tu as sauvée de la mort, sauve-moi de cette vie d’exil, qui est une seconde mort !

SCÈNE II.

IPHIGÉNIE, ARCAS.

ARCAS.

Le roi m’envoie ici saluer de sa part la prétresse de Diane. Voici le jour où la Tauride rend grâce à sa déesse de nouvelles


1. Allusion au supplice de Tantale.