Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/28

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comme à regret je t’entraîne avec moi, avant le temps, dans ce séjour funèbre ! Ta vie ou ta mort m’inspire seule encore l’espérance ou la crainte.

PYLADE.

Oreste, j^ïie suis pas encore, comme toi, préparé à descendre dans le royaume des ombres. En suivant les routes confuses qui semblent conduire à la nuit ténébreuse, je songe encore aux moyens de remonter avec toi vers la vie. Je ne pense pas à la mort ; je médite et j’écoute si les dieux ne nous ménagent point la ressource et les chemins d’une heureuse fuite. Qu’on la craigne ou ne la craigne pas, la mort s’avance irrésistible. . Quand la prêtresse lèvera déjà la main pour couper et consacrer nos cheveux, ton salut et le mien seront mon unique pensée. Relève ton âme de cet abattement ; en hésitant, tu accélères le danger. Apollon nous en a donné sa parole : la consolation et l’aide et le retour te sont préparés dans le sanctuaire de la sœur. Les paroles des dieux ne sont pas équivoques, comme l’affligé l’imagine dans son mécontentement.

ORESTE.

Dès mon âge le plus tendre, ma mère étendit autour de ma tête le sombre voile de la vie, et je grandissais ainsi, image de mon père, et mon regard silencieux était un reproche amer pour elle et son amant. Combien de fois, quand Electre, ma sœur, était assise en silence auprès du feu, dans la salle profonde, je me pressai, tout ému, contre son sein, et, tandis qu’elle pleurait amèrement, j’arrêtai sur elle mes yeux étonnés ! Alors elle disait beaucoup de choses de notre illustre père. Combien je désirais de le voir ! d’être auprès de lui ! Tantôt je me souhaitais devant Troie ; tantôt je le souhaitais à Mycènes…. Il parut le jour….

PYLADE.

Oh ! laisse les esprits infernaux s’entretenir de cette heure pendant la nuit ! Et que le souvenir de temps heureux nous donne une force nouvelle, pour suivre hardiment une course héroïque. Les dieux ont besoin d’hommes vertueux pour leur service sur cette vaste terre ; ils ont compté sur toi ; ils ne t’ont pas donné pour escorte à ton père, lorsqu’il descendit indigné chez Pluton.