Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
ORESTE.

Oh ! que ne l’ai-je suivi, en saisissant le bord de sa robe !

PYLADE.

Eh bien, ceux qui te sauvèrent ont travaillé pour moi, car, ce que j’eusse été, si tu n’avais pas vécu, je ne psis l’imaginer : dès mon enfance, je ne vis et ne puis vivre qu’avec toi et pour toi.

ORESTE.

Ne me rappelle pas ces beaux jours, où ta maison me donna un asile ; où ton noble père cultivait avec prudence et tendresse la jeune fleur, presque flétrie ; où toi-même, mon compagnon toujours joyeux, semblable à un léger papillon aux ailes diaprées, autour d’une fleur sombre, tu folâtrais chaque jour autour de moi, avec une vie nouvelle, et faisais passer, en jouant, ta gaieté dans mon unie, en sorte qu’oubliant ma souffrance, je prenais l’essor avec toi, emporté par la vive jeunesse.

PYLADE.

Ma vie ne commença que le jour où je t’aimai.

ORESTE.

Dis plutôt : « mon malheur commença, » et tu parleras vrai. C’est le tourment de ma destinée, que, pareil à un banni pestiféré, je porte dans mon sein une douleur et une mort secrète ; que, si je visite la demeure la plus saine, bientôt autour de moi les visages florissants laissent voir les signes douloureux d’une lente mort.

PYLADE.

Ami, je serais le premier à mourir de cette mort, si ton haleine était un poison. Ne suis-je pas encore plein de courage et de joie ? Et la joie et l’amour sont les ailes des grandes actions.

ORESTE.

Les grandes actions ? Oui, je me souviens du temps où nous les voyions devant nous. Souvent, lorsque nous poursuivions ensemble les bêtes sauvages, à travers les monts et les vallées, et que nous espérions de pouvoir un jour, égaux en courage et en force à notre illustre ancêtre, suivre à la trace, avec la massue et l’épée, les monstres et les brigands ; qu’ensuite, le soir, appuyés l’un contre l’autre, nous étions assis, tranquilles,