Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/32

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grâce, la source qui, jaillissant "contre moi des blessures de ma mère, rne souille pour jamais.

PYLADE.

Attends cette grâce avec plus de calme. Tu augmentes le mal, et tu te charges de l’oflice des Furies. Laisse-moi méditer ; reste tranquille. A la fin, s’il est besoin pour agir de nos forces unies, je t’appellerai ; et nous marcherons tous deux, avec une audace réfléchie, à l’accomplissement.

ORESTE.

J’entends parler Ulysse !

PYLADE.

Ne raille point. Chaque homme doit choisir son héros, sur les traces duquel il s’efforce de marcher vers l’Olympe. Laissemoi l’avouer, la ruse et la prudence ne me semblent pas déshonorer l’homme qui se voue aux actions hardies.

ORESTE.

J’estime l’homme vaillant et droit.

PYLADE.

C’est pourquoi je ne t’ai point demandé de conseil. Un pas est déjà’ fait. J’ai tiré jusqu’à présent bien des choses de nos gardiens. Je sais qu’une femme étrangère, semblable aux dieux, tient enchaînée cette loi sanguinaire ; elle offre aux immortels un cœur pur, l’encens et des prières. On célèbre hautement sa bonté ; on croit qu’elle sort de la race des Amazones, qu’elle a fui pour échapper à un grand malheur.

ORESTE.

Il paraît que son lumineux empire a perdu sa force à l’approche du criminel, que la malédiction poursuit et couvre comme une vaste nuit. Le pieux désir du sang délie l’antique usage de ses chaînes pour nous perdre. La volonté farouche du roi nous tue ; une femme ne nous sauvera point, s’il est courroucé.

PYLADE.

Heureux sommes-nous que ce soit une femme ! car un homme, même le meilleur, accoutume son esprit à la cruauté, et se fait même, à la fin, une loi de ce qu’il abhorre ; par habitude, il devient dur et presque mécojmaissable. Mais une femme reste fidèle au sentiment qu’elle a une fois adopté. On peut plus sû-