Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/373

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voyage suffira, pour preuve irrécusable que nous sommes plus que des poissons. (Ils s’éloignent.)

LES SIRÈNES.

Ils sont partis eu un clin d’œil. Pour voguer droit à Samothrace, ils ont disparu avec un vent favorable. Que songent-ils à faire dans le royaume des puissants Cabires ? Ce sont des dieux merveilleusement singulier qui se reproduisent euxmêmes incessamment, et ne savent jamais ce qu’ils sont.

Au sommet des cieux, douce lune, suspends ta course propice ; que la nuit nous reste fidèle ; que le jour ne nous chasse pas !

ThalÈs, fur le rivage, à Homunculus.

Je te conduis volontiers vers le vieux Nérée. A la vérité, nous ne sommes pas loin de sa grotte, mais il a la télé dure, le maussade rêveur. Le genre humain tout entier ne fait jamais rien qui vaille, aux yeux de ce grondeur. Cependant l’avenir lui est dévoilé : c’est pourquoi chacun le respecte et l’honore dans sa retraite. Il a fait aussi du bien à plusieurs.

HOMUNCULUS.

Faisons une tentative, et frappons à sa porte. Il ne m’en coûtera pas, je pense, le verre et la flamme.

INÉRÉE.

Sont-ce des voix humaines qui frappent mon oreille ? Comme la colère me saisit soudain au fond du cœur ! Images, qui voudraient égaler les dieux, et pourtant condamnées à se ressembler toujours à elles-mêmes. Depuis de longues années je pouvais goûter le repos des dieux, mais je fus poussé du désir de faire du bien aux bons, et, lorsque plus tard je voyais enfin les faits accomplis, c’était absolument comme si je n’eusse pas conseillé.

ThalÈs.

Cependant, ô vieillard de la mer, on se confie à toi, tu es le sage ; ne nous repousse pas. Vois cette flamme, semblable, il est vrai, à la figure humaine : elle s’abandonne absolument à tes conseils.

NÉRÉE.

Que parles-tu de conseils ? Le conseil eut-il jamais quelque valeur chez les hommes ? Une parole sage se glace dans l’oreille