Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/389

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dès l’origine, du sein de l’antique nuit, monte et se roule sous mille formes, comme des nuages brûlants s’élancent du goufl’re enflammé de la montagne. Les dieux du’Styx ont marqué aujourd’hui par de telles horreurs mon entrée dans la maison, que, semblable à l’hôte congédié, je fuirais volontiers le seuil souvent foulé et longtemps souhaité. Mais non, j’ai reculé jusqu’ici à la lumière, et, qui que vous soyez, puissances, vous, ne me repousserez pas plus loin. Je veux songer au sacrifice, après quoi, purifiée, la flamme du foyer pourra saluer la maîtresse comme le maître.

PANTHALIS.

Noble femme, révèle à tes servantes, qui t’assistent avec respect, ce qui t’est arrivé.

HÉLÈNE.

Ce que-j’ai vu, vous le verrez vous-mêmes de vos yeux, si l’antique nuit n’a pas englouti soudain son ouvrage dans son sein fécond en prodiges. Mais, afin que vous le sachiez, je vous l’annoncerai par mes paroles. Comme j’entrais solennellement dans l’auguste enceinte de la maison royale, songeant à mon plus pressant devoir, je fus surprise du silence des galeries désertes. Un bruit de gens qui vont et viennent diligemment ne frappa point mon oreille, ni l’activité vigilante mes regards ; aucune servante ne parut devant moi, aucune intendante, qui d’ordinaire saluent amicalement chaque étranger. Mais, quand je m’approchai du foyer, je vis, devant un reste tiède de cendres éteintes, assise à terre, une grande femme voilée, qui me parut, non pas endormie, mais plongée dans la méditation. D’une voix impérieuse, je l’appelle au travail, la supposant l’économe, que la prévoyance de mon époux avait peut-être établie à son départ ; mais cette femme immobile demeure assise et voilée. Enfin, sur ma menace, elle remue le bras droit, comme pour me chasser du foyer et de la salle. Je me détourne avec colère, et je monte à la hâte les degrés, au-dessus desquels s’élève le riche lit nuptial, et, près de là,la chambre du trésor : tout h coup la vision se lève, me fermant le passage d’un air impérieux ; elle se montre, avec sa haute taille décharnée, avec son œil creux, sombre et sanglant ; étrange fantôme, qui trouble la vue et l’esprit. Mais je parle en vain, car la parole s’efforce inutilement