Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/401

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LE CHOEUR.

Oh ! prononce-la cette courte parole, et sauve-toi et nous en même temps !

HÉLÈNE.

Comment ? Me faudrait-il craindre que le roi Ménélas me fit souffrir un traitement si cruel ?

Phorcis.

As-tu donc oublié comme il mutila, d’une manière inouïe, le frère de Paris, tué dans le combat, ton Déiphobe, qui, à force de persévérance, fit ta conquête, et, veuve, te posséda heureusement ? Ménélas lui coupa le nez et les oreilles, et le mutila davantage encore : objet horrible à voir !

HÉlÈne.

Voilà comme il le traita, et ce fut à cause de moi.

Phorcis. 

A cause de lui, il te traitera de même. La beauté est indivisible : qui la posséda tout entière aime mieux la détruire, maudissant tout partage. (On entend des fanfares dans le lointain : le Cliocur tressaillit.) Comme les sons aigus de la trompette saisissent, déchirent l’oreille et les entrailles, ainsi la jalousie saisit fortement, avec ses griffes, le cœur de l’homme, qui jamais n’oublie ce qu’un jour il posséda, et qu’il a perdu désormais et ne possède plus.

LE CHOEUR.

N’entends-tu pas les clairons retentir ? Ne vois-tu pas les éclairs des armes ?

Phorcis.

Sois le bienvenu, seigneur et roi : je suis prête à te rendre compte. . •

LE ’CHOEUR.

Mais nous ?

PHORCIS.

Vous le savez clairement, vous voyez devant vos yeux la mort de la reine ; vous pressentez la vôtre là dedans : non, il n’est point de salut pour vous. (Une pause.)

HÉLÈNE.

J’ai réfléchi à ce que je dois risquer d’abord. Tu es un démon fatal, je le sens, et je crains que tu ne changes le bien en mal.