Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/405

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Quelque haute dignité que tu me confères, comme juge, comme souveraine, ne fijt-ce que pour me mettre à l’épreuve, ainsi que je dois le supposer…. je remplis maintenant le premier devoir du juge, qui est d’entendre les accusés. Parle donc !

LyncÉe, le gardien de la tour.

Laisse-moi tomber à genoux, laisse-moi contempler, laissemoi mourir, laisse-moi vivre, car je suis déjà dévoué à cette femme, que le ciel nous donne.

J’attendais la joyeuse lumière du matin ; je guettais à l’orient sa course : tout à coup je vis, quel prodige ! le soleil se lever au midi.

Je portai mes regards de ce côté : au lieu des ravins, au lieu des montagnes, au lieu de la terre et du ciel, je contemplai celte unique merveille.

Une vue perçante m’a été donnée, comme au lynx posté sur les grands arbres ; mais, cette fois, j’ai dû faire effort, comme pour sortir d’un rêve sombre et profond.

Savais-je seulement me reconnaître, et les créneaux et la tour et la porte fermée ? Les nuages flottent, les nuages se dissipent, et cette déesse paraît !

Les yeux et le cœur tournés vers elle, je m’enivrai de son doux éclat ; cette beauté éblouissante, malheureux, j’en fus absolument ébloui !

J’oubliai les devoirs du garde ; j’oubliai le cor sur lequel j’ai juré. Tu peux menacer de m’anéantir…. La beauté enchaîne toute colère.

HÉLÈNE.

Le mal que j’ai causé, je ne dois pas le punir. Malheur à moi ! Quelle fatale destinée me poursuit, qu’il faille que- partout je trouble le cœur des hommes, au point qu’ils ne ménagent plus ni eux-mêmes ni rien de respectable ! Par la violence ou la séduction ou les armes, me ravissant tour à tour, les demi-dieux, les héros, les dieux et les démons eux-mêmes m’ont entraînée ça et là dans leurs courses errantes. Simple, j’ai troublé le monde, et double, encore davantage ; triple, quadruple maintenant, je cause malheurs sur malheurs. Éloigne ce bon serviteur ;