Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/426

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QUATRIÈME.

HAUTES MONTAGNES.

On voit des niasses de rochers aux cimes dentelées. Un nuage s’approche, s’appuie à la montagne, s’abaisse sur un plateau en saillie ; le nuage se divise et Faust paraît.

FAUST.

Je contemple sous mes pieds la plus profonde solitude, et je marche avec précaution au bord de ces sommets, quittant le char de nuages qui, au milieu de jours sereins, m’a porté doucement par-dessus la terre et la mer. Le nuage s’éloigne de moi lentement sans se dissiper ; la masse, roulée en sphère, se dissipe vers l’orient ; mon œil étonné la poursuit avec admiration. Dans sa course, elle se divise, onduleuse, changeante. Mais elle veut se modeler…. Oui, mon œil ne se trompe pas !… Majestueuse, couchée sur des coussins illuminés par le soleil, colossale, il est vrai, une figure de femme pareille aux dieux…. je la vois. On dirait Junon, Léda, Hélène. Comme, imposante et gracieuse, elle flotte devant mes yeux ! Ah ! déjà l’objet se trouble ! Étendu, amoncelé sans forme, il repose à l’orient, pareil à des glaciers lointains, et reflète, éblouissant, la grande pensée de jours passagers. Cependant une vapeur douce et brillante environne encore mon front et ma poitrine ; et, fraîche et caressante, elle me rend la sérénité. Maintenant elle monte, indécise et légère, plus haut, plus haut encore ; elle se rassemble…. Suis-je abusé par une image ravissante, sous les traits du bien suprême, le premier de ma jeunesse et longtemps regretté ?…