Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/49

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ACTE QUATRIÈME.

SCENE I.

IPHIGÉNIE, seule.

Quand les habitants du ciel réservent a un des enfants de la terre beaucoup de perplexités, et lui destinent un tumultueux passage de la joie aux douleurs et des douleurs à la joie, ils lui préparent, dans le voisinage de sa ville natale ou sur la rive étrangère, un sage ami, afin que, dans les heures de détresse, il trouve aussi le secours tout prêt. 0 dieux, bénissez notre Pylade et tout ce qu’il pourra entreprendre ! Il a le bras du jeune Jiomme dans le combat, l’œil clairvoyant du vieillard dans le conseil ; car son âme est tranquille ; elle garde le saint, l’inépuisable trésor du repos, et il tire de ses profondeurs conseil et secours pour les esprits agités. Il m’a arrachée à mon frère, que je regardais et regardais encore avec étonnement, sans pouvoir me persuader de mon bonheur, ni le laisser échapper de mes bras, et je ne sentais pas l’approche du danger qui nous environne. Maintenant, pour exécuter leur dessein, ils se rendent à la mer, où le vaisseau, caché dans une baie, avec leurs compagnons, épie le signal ; ils ont mis dans ma bouche des paroles prudentes, et m’ont dicté ce que je dois répondre au roi, s’il m’envoie quelqu’un et m’ordonne, avec plus d’instance, le sacrifice. Ah ! je le vois bien, je dois me laisser conduire comme un enfant. Je n’ai point appris à dissimuler, ni à rien tirer de personne par la ruse. Malheur, malheur au mensonge ! Il ne soulage pas le cœur, comme toute autre parole dite avec vérité ; il ne nous fortifie pas ; il tourmente celui qui le forge en secret, et, comme une flèche décochée, qu’un dieu détourne et qui re-