Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/63

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sied à l’homme généreux d’avoir égard aux paroles d’une femme.

THOAS.

J’ai plus d’égard pour elles que pour l’épée d’un frère.

IPHIGÉNIE.

Le sort des armes est inconstant ; nul sage guerrier ne méprise l’ennemi. La nature n’a pas non plus laissé le faible sans secours contre l’orgueil et la dureté : elle lui a donné le goût de la ruse, lui a enseigné l’artifice. Tantôt il cédé, tantôt il diffère, il use de détours. Oui, la puissance injuste mérite qu’on emploie ces ressources.

THOAS.

La prévoyance sait s’opposer à la ruse.

IPHIGÉNIE.

Et une âme pure n’y a pas recours.

Thoas. Ne prononce pas inconsidérément ta propre condamnation.

IPHIGÉNIE.

Oh ! si tu voyais comme mon âme combat pour repousser courageusement, dès sa première attaque, une cruelle fatalité qui veut la saisir ! Suis-je donc ici sans armes devant toi ? Si tu repousses l’aimable prière, ce gracieux rameau, plus puissant que l’épée et les armes dans la main d’une femme, que me reste-t-il encore pour défendre mes sentiments ? Demanderai-je à la déesse un miracle ? N’est-il aucune force dans les profondeurs de mon âme ?

THOAS.

11 paraît que le sort des deux étrangers t’inquiète sans mesure. Parle, qui sont-ils ceux pour lesquels ton esprit s’exalte violemment ?

IPHIGÉNIE.

Ils sont…. ils paraissent…. je les crois Grecs.

THOAS.

Seraient-ils tes compatriotes ? Et sans doute ils ont réveillé chez toi l’idée charmante du retour ?

IphigÉnie, après un moment de silence.

L’homme seul a-t-il donc le privilège des actions extraordinaires ? Lui seul peut-il donc étreindre l’impossible contre sa