Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/87

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fausses espérances ! J’étais toujours disposée à croire le dernier venu. Il était habillé et nourri, et, à la fin, trouvé menteur comme les premiers. Ma richesse attira des prétendants ; un grand nombre vinrent, de près et de loin, pour m’assiéger. Mon inclination me portait à vivre solitaire, pour m’attacher avec ardeur au regret des ombres du Tartare ; mais la nécessité me commandait de choisir le plus puissant, car une femme seule a peu de pouvoir. Pour en conférer avec ton père, je vins dans sa ville. Je te l’avoue, je ne l’ai jamais aimé ; mais je pus toujours me lier à sa prudence. Là je te trouvai, et, dès le premier regard, je te vouai mon âme tout entière.

Elpenor.

Je puis encore me souvenir comme tu vins. Je jetai bien loin la balle avec laquelle je jouais, et j’accourus, pour contempler la ceinture de ta robe, et je ne voulais pas me séparer de toi, quand tu me montrais et me montrais encore et me faisais connaître les animaux qui s’entrelacent et se poursuivent alentour. C’était un bel ouvrage, et j’aime encore à le voir.

ANTIOPE.

Alors je me parlai à moi-même, en te considérant, comme je t’avais pris entre mes genoux : telle était l’image que mes vœux, devançant l’avenir, avaient promenée au sein de ma demeure ; c’est un enfant pareil à celui-là que je vis souvent, par la pensée, s’asseoir près du foyer, sur le siège antique de mes aïeux ; c’est ainsi que j’espérais le conduire, le diriger, l’instruire, en répondant à ses vives questions.

Elpenor.

C’est ce que tu m’as accordé, ce que tu as fait pour moi.

ANTIOPE.

i Le voici ! » me disait mon cœur, quand je pressais ton front de mes -mains caressantes, et que je baisais avec ardeur tes yeux chéris. « Le voici ! Il n’est pas à toi, mais il est de ta famille ; et, sr un Dieu, exauçant ta prière, l’avait formé des pierres éparses de la montagne, il serait à toi et l’enfant de ton cœur : c’est le fils que ton cœur désirait. »

ELPENOR.

Depuis ce temps-là je ne t’ai plus quittée.