Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/96

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sus ma bouche ton doigt puissant et doux ? Un secret que j’entretiens, comme un douloureux ennemi, aussi longtemps que Philoctète son ancienne plaie, doit-il s’échapper de mon cœur, et s’exhaler dans l’air comme une autre parole indifférente ? Tu m’es cruelle et chère, noire conscience : tu rne fortifies en me tourmentant. Mais le moment de la maturité viendra bientôt pour toi. Je doute encore, et combien le doute est pénible, quand notre sort dépend de la résolution ! 0.dieux, donnez-moi quelque signe ! Déliez ma langue ou l’enchaînez, comme il vous plaira.

SCÈNE II

ELPËNOR, POLYMÉTIS.

KLPÉNOR.

Sois le bienvenu, Polymétis, qui m’es assez connu depuis longtemps par ta douceur et ta complaisance ; sois aujourd’hui le très-bien venu ! Oh ! dis-moi, quelles nouvelles m’apportes-tu ? Cela viendra-t-il bientôt ? Où sont les tiens ? Où sont les serviteurs du roi ? Peux-tu me révéler ce que ce jour me réserve ?

PolymÉtis.

Mon cher prince ! Comment ? Tu reconnais sur-le-champ ton ancien ami ? Et moi, après la courte absence d’une année, je dois me dire : « Est-ce lui ? est-ce bien lui ? » L’âge s’arrête comme un vieil arbre, qui, s’il ne sèche pas, paraît toujours, le même ; mais toi, cher enfant, chaque printemps développe de nouveaux charmes sur ta figure aimable. On voudrait te garder sans cesse tel que tu es, et jouir toujours de ce que tu deviendras. Ils arriveront bientôt les messagers que tu attends avec raison ; ils t’apportent, de la part de ton père, des présents qui sont dignes de toi et de ce jour.

ELPÉNOR.

Excuse mon impatience. Voilà déjà bien des nuits que je ne puis dormir. Déjà plusieurs fois, le matin, j’ai couru sur le rocher et je regarde autour de moi, et je porte les yeux vers la plaine, comme pour voir ceux qui doivent arriver, et je sais qu’ils n’arrivent pas encore. Maintenant qu’ils sont près, je n’y