Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/35

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bonne mémoire, je me trouvai bientôt au-dessus de l’enseignement que mon père et mes autres maîtres pouvaient me donner, sans que j’eusse pourtant dans aucune branche des connaissances solides. La grammaire me déplaisait, parce que je n’y voyais qu’une loi arbitraire ; les règles nie semblaient ridicules, parce qu’elles étaient détruites par mille exceptions, qu’il me fallait encore apprendre toutes à part ; et, sans le Latiniste commençant, mis en rimes, les choses seraient allées mal pour moi ; mais je me plaisais à le tambouriner et à le chantonner. Nous avions aussi une géographie en vers mnémoniques, où les rimes les plus absurdes gravaient le mieux dans la mémoire ce qu’il fallait retenir. Par exemple :

Over Yssel, marais nombreux
Rendent le bon pays affreux.

Je saisissais facilement les formes du langage et les tournures ; je démêlais promptement ce qu’une chose renfermait en substance. Dans les matières de rhétorique, les chries et autres exercices pareils, personne ne me surpassait, bien que je me visse souvent reculé par mes fautes de grammaire. Cependant c’étaient ces compositions qui causaient à mon père un plaisir particulier, et il m’en, récompensait par des libéralités considérables pour un enfant.

Mon père enseignait à ma sœur l’italien dans la chambre où je devais apprendre par cœur Cellarius. Comme je savais bientôt ma leçon, et qu’il me fallait pourtant rester tranquille sur ma chaise, je prêtais l’oreille par-dessus mon livre, et je saisis très-vite l’italien, qui excitait ma surprise comme une amusante dérivation du latin.

Sous le rapport de la mémoire et du raisonnement, j’avais d’ailleurs cette précocité qui a valu à d’autres enfants une hâtive renommée. Aussi mon père pouvait-il à peine attendre le moment où je devrais aller à l’université. Il déclara de très-bonne heure que j’irais, comme lui, étudier le droit à celle de Leipzig, pour laquelle il avait conservé une grande prédilection ; que je fréquenterais ensuite une autre université, et que je prendrais mes degrés. Pour celle-ci, il me laissait libre de choisir ; seulement il avait, je ne sais pourquoi, quelque ré-