Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/463

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la plus fâcheuse influence. Les États prirent toujours moins d’intérêt au tribunal qu’ils avaient fondé ; les plus puissants cherchèrent à se détacher de l’union ; on sollicita toujours plus vivement le privilège de ne pouvoir tire poursuivi devant aucune haute cour de justice ; les grands ne payaient pas, et les petits, qui se croyaient d’ailleurs lésés dans la matricule, payaient le plus tard qu’ils pouvaient.

Il était donc bien difficile de recueillir les contributions nécessaires pour les traitements. Ce fut une nouvelle affaire, une nouvelle perte de temps, pour la Chambre impériale. Dans l’origine, les inspections annuelles y avaient pourvu. Les princes, en personne, ou leurs conseillers se rendaient, seulement pour quelques semaines ou quelques mois à la résidence du tribunal, visitaient les caisses, s’enquéraient de l’arriéré et se chargeaient de le faire rentrer. En même temps, si le cours de la justice éprouvait quelque arrêt, si quelque abus s’y glissait, ils étaient compétents pour y porter remède. Ils devaient rechercher et faire disparaître les vices de l’institution, mais leur office ne s’étendit que plus tard à la recherche et à la répression des délits des membres eux-mêmes. Cependant, comme les plaideurs sont toujours enclins à prolonger un moment de plus leurs espérances, et cherchent et provoquent par conséquent des juridictions plus élevées, ces inspecteurs devinrent aussi un tribunal de révision, devant lequel on espérait d’obtenir d’abord, dans des cas déterminés, manifestes, une réintégration, puis enfin, dans tous les cas, un délai et la perpétuation du procès. L’appel à la diète de l’Empire et les efforts des deux partis religieux pour se surmonter ou du moins se balancer l’un l’autre contribuèrent encore à ce résultat.

Mais, quand on réfléchit à ce que pouvait être ce tribunal, sans ces obstacles, sans toutes ces causes de perturbation et de ruine, on ne peut se le figurer assez remarquable et assez important. Si, dès l’origine, on l’avait composé d’un assez grand nombre de juges ; si on leur avait assuré un traitement suffisant, la solidité du caractère allemand aurait procuré à cette compagnie une influence sans bornes. Ce titre honorable d’Amphictyons, qu’on ne leur donnait que par forme oratoire, ils l’auraient réellement mérité ; ils auraient pu même s’élever à une puissance intermédiaire, respectable à la fois au chef et aux membres de l’Empire. Bien loin de produire de si grands effets, le tribunal ne fit que traîner une existence misérable, sauf peut-être pendant une courte période sous Charles-Quint et avant la guerre de Trente ans. Il est difficile de comprendre comment il se trouva des hommes pour cette ingrate et triste besogne. Mais, ce que l’homme pratique chaque jour, il y prend goût, s’il y est habile, dût-il même ne pas voir clairement qu’il en résultera quelque chose. Ce caractère persévérant appartient surtout à notre nation, et c’est ainsi que, durant trois siècles, les hommes les plus respectables se sont occupés de ces affaires et de ces travaux. Une galerie caractéristique de pareilles figures éveillerait encore aujourd’hui la sympathie et inspirerait le courage. Car c’est justement dans ces temps d’anarchie que l’homme de mérite se montre avec plus de vigueur, et que celui qui veut le bien se trouve parfaitement à sa place. C’est ainsi, par exemple, que la direction de Furstenberg était restée on bénédiction dans toutes les mémoires ;