Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/131

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actifs dans cette contrée. Quoique d’une époque tardive, du siècle des Antonins, l’obélisque d’Igel conserve encore tant de qualités d’un art excellent, qu’il produit sur nous dans l’ensemble une impression gracieuse etsévère, etnous communique, de toutes ses parties, quoique très-altérées, le sentiment d’une joyeuse activité. Il m’a captivé longtemps ; j’ai noté plusieurs observations, en le quittant à regret, car je m’en sentais plus mal encore dans ma misérable situation.

Mais je ne tardai pas à voir briller devant moi une joyeuse perspective, qui devint bientôt après une réalité.

23 octobre 1792.

Nous apportions à notre ami, le lieutenant de Pritsch, que nous avions laissé fort mécontent à son poste, l’heureuse nouvelle qu’il était nommé chevalier de l’ordre du Mérite militaire, avec justice, car c’était pour une belle action, et avec bonheur, car il n’avait eu aucune part à notre infortune. Voici ce qui s’était passé.

Les Français, sachant que nous avions pénétré assez avant dans le pays, que nous étions à une distance considérable, dans une situation fort pénible, tentèrent sur nos derrières une expédition soudaine. Ils s’approchèrent de Trêves avec des forces imposantes et même avec du canon. Le lieutenant de Fritsch en est informé, et, avec peu de monde, il court à l’ennemi qui, surpris de sa vigilance, craignant l’arrivée de renforts, se retire à Merzig après une courte résistance et ne reparaît plus. Notre ami avait eu son cheval blessé sous lui, la même balle avait effleuré sa botte. Mais aussi le vainqueur se voit accueilli à son retour de la manière la plus honorable. Les magistrats, la bourgeoisie, lui montrent toutes les attentions possibles, et les dames aussi, qui voyaient en lui auparavant un joli jeune homme, et qui sont charmées maintenant de le trouver un héros.

Il mande aussitôt à son chef l’événement, qui est, comme de raison, communiqué au Roi ; sur quoi l’étoile bleue est arrivée. J’ai goûté une jouissance non commune à partager le bonheur, la vive joie de ce brave jeune homme. La bonne fortune, qui nous fuyait, l’a visité sur nos derrières, et il s’est vu récompensé