Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

néanmoins, toujours persuadé do mon bon droit, je poursuivais mon chemin. Avec cela, j’ai conservé jusque dans mon âge avancé quelque chose de l’ingénuité du Huron de Voltaire, en sorte que je pouvais être à la fois insupportable et charmant.

Un champ dans lequel on pouvait toutefois se mouvoir avec plus d’accord et de liberté était la littérature occidentale, et particulièrement la littérature française, Jacobi, tout eh suivant sa propre voie, prenait connaissance de tout ce qui se passait d’important, et le voisinage des Pays-Bas contribuait beaucoup à le mettre en relation soit avec les livres, soit avec les personnes. C’était un homme d’une belle tournure, d’une figure très-heureuse, aux manières, mesurées il est vrai, mais pourtant trèsaffable, en un mot, fait pour briller dans toute société polie.

C’était une époque remarquable, et qu’il serait difficile de se représenter aujourd’hui. Voltaire avait rompu les anciennes chaînes de l’humanité : de là s’était développée dans les bons esprits une tendance à douter de ce qu’on avait tenu autrefois pour respectable. Tandis que le philosophe de Ferney travaillait de toutes ses forces à diminuer, à affaiblir l’influence du clergé, et avait surtout les yeux fixés sur l’Europe, de Pauw étendait ’ son esprit de conquêtes sur les pays lointains. Il ne voulait accorder ni aux Chinois ni aux Egyptiens la gloire dont un préjugé séculaire les avait comblés. Chanoine à Xanten, voisin de Dusseldorf, il entretenait des relations amicales avec Jacobi. Et combien d’autres hommes n’aurais-je pas à nommer ici ?

Nous mentionnerons du moins Hemsterhuis, qui, dévoué à la princesse Gallitzin, faisait de longs séjours à Munster, situé dans le voisinage. Il cherchait, de son côté, avec ces esprits parents du sien, un repos plus délicat, une satisfaction idéale, et, avec des sentiments platoniques, il inclinait vers la religion.

Dansces souvenirs fragmentaires, je dois aussi mentionner Diderot, qui fit un séjour à Pempelfort, où il se plut beaucoup, et soutint ses paradoxes avec une grande franchise.

Les vues de Rousseau sur l’état de nature ne furent pas non plus étrangères à ce cercle, qui n’excluait rien et qui, par conséquent, ne m’excluait pas non plus, mais qui se bornait à me souffrir.

Car j’ai déjà indiqué plus d’une fois comment les littératures