Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/16

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fluence d’un administrateur si éclairé son état florissant et l’esprit d’initiative qui l’animait.

Au commencement de l’année 1790, il retourna en Italie pour aller au-devant de la princesse Amélie et de Herder. Il les attendit à Venise. Dans cette seconde visite, l’Italie lui apparut sous un aspect bien différent, si l’on en juge par les Épigrammes vénitiennes, qui sont le fruit de son nouveau séjour dans cette ville. Toutefois on aurait tort d’y voir le dernier mot de Goethe et de le croire désenchanté. Les regrets du foyer domestique et de la « petite amie, » les vagues appréhensions qu’éveillait chez lui la révolution française, lui présentaient les objets sous un jour plus sombre ; mais il ne cessa jamais de regretter et de chérir la terre des orangers.

À peine fut-il de retour à Weimar, qu’il dut accompagner au camp de Silésie son prince, qui était entré au service de la Prusse. Il y vécut en dehors du mouvement de la société, entièrement livré à l’étude des sciences naturelles. Revenu au mois d’août à Weimar, il eut à subir les reproches de Herder et de la duchesse Amélie, qui le forcèrent de quitter l’ostéologie pour Wilhelm Meister. Mais il ne s’y arrêta pas longtemps, et l’optique amena des distractions nouvelles.

Au mois de juillet 1791, la duchesse Amélie ouvrit son salon tous les vendredis à un cercle intime. Le duc et la duchesse Louise, Goethe et quelques amis favorisés se réunissaient chez elle de cinq à huit heures pour entendre une lecture de quelqu’un des membres de la société. Toute étiquette était bannie. Le lecteur avait seul une place réservée. Goethe lut un soir son récit relatif à la famille Cagliostro[1]. Une autrefois, il parla sur l’optique. Herder lut des réflexions sur l’immortalité, Bertouch sur les couleurs chinoises, sur les jardins anglais ; Bœttiger sur les vases antiques, Houfeland, sur son thème favori, l’art de prolonger la vie, et Bode donna des fragments de sa traduction de Montaigne.

Mais il fallut bientôt s’arracher à cette vie studieuse et tranquille. Le duc, dont les goûts militaires s’étaient réveillés, prit le commandement d’un régiment de cuirassiers au service de Prusse, et conduisit l’avant-garde dans l’expédition entreprise en 1792 par le roi de Prusse et le duc de Brunswick contre la France. Il désira d’être accompagné par le poète, son ami, qui lui fit avec dévouement ce grand sacrifice.

Goethe détestait la guerre et les révolutions violentes, qui n’étaient

  1. Tome IX, page 207.