Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/187

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senter encore quelques considérations sur mes rapports avec le théâtre ; ce que je désirais d’abord éviter. On deyait croire que je verrais dans les circonstances nouvelles une occasion excellente de travailler aussi pour notre nouveau théâtre, et en général pour la scène allemande ; mais, pour m’expliquer sans réserve, mes premiers travaux dramatiques, appartenant à l’histoire universelle, étaient trop vastes pour convenir à la scène, et les derniers, consacrés aux sentiments les plus profonds, les plus intimes, furent d’abord assez froidement accueillis, à cause de leur forme trop sévère. Cependant je m’étais t’ait une certaine technique mitoyenne, qui aurait pu fournir au théâtre des ouvrages d’une gaieté mesurée ; mais je me mépris sur le sujet, ou plutôt je fus subjugué et entraîné par le sujet le plus rebelle à la forme dramatique.

Dès l’année 1785, l’histoire du collier m’effraya comme aurait fait la tête de Méduse. Par cette entreprise téméraire, inouïe, je voyais la majesté royale menacée et bientôt anéantie, et tous les événements qui suivirent ne confirmèrent que trop ces affreux pressentiments. Je les emportai en Italie et les rapportai plus sombres encore. Heureusement, je pus encore achever mon Tasse ; mais dès lors les événements contemporains s’emparèrent absolument de mon esprit. J’avais eu occasion pendant nombre d’années de maudire avec douleur les friponneries d’audacieux fantasques et d’hypocrites enthousiastes ; j’avais vu avec surprise et dégoût l’aveuglement inconcevable d’hommes excellents en présence de ces téméraires importunités. Maintenant, les conséquences directes et indirectes de ces folies, je les voyais, avec un caractère criminel ou voisin du crime, aux prises avec la majesté royale, et toutes ensemble assez influentes pour ébranler le plus beau trône du monde.

Pour me procurer quelque consolation et quelque divertissement, je cherchai dans ces horreurs un côté plaisant. La forme de l’opéra-comique, que je considérais depuis longtemps comme une des plus heureuses pour l’exposition théâtrale, ne semblait pas non plus répugner aux sujets sérieux, comme on avait pu le voir par le Roi Théodore. Je commençai donc à traiter ce sujet en vers ; Reichardt devait composer la musique ; mais, comme l’ensemble n’était pas animé par un souffle de joie, l’entreprise