Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/192

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Francfort était retombé dans les mains des Allemands. On faisait à la hâte tous les préparatifs possibles pour reconquérir Mayence. On s’était approché de la ville et l’on avait occupé Hochheim ; Kœnigstein avait dû se rendre. Il était nécessaire avant tout de délivrer nos derrières par une expédition sur la rive gauche. On s’avanci donc en longeant le Taunus sur Idstein, et, par le couvent de Sithœnau, sur Caub, puis, par un solide pont de bateaux, sur Bacharach. De là, une suite d’affaires d’avant-postes forcèrent l’ennemi à la retraite. On laissa à droite le, Houndsruck proprement dit, on marcha sur Stromberg, où le général Neuwinger fut fait prisonnier. On gagna Kreuznach et l’on nettoya le coin de pays entre la Nahe et le Rhin ; après quoi, on s’avança avec sûreté vers le fleuve. Les Impériaux avaient passé le Rhin près de Spire et, dès le 14 avril, on put investir Mayence et faire sentir aux habitants la disette, comme précurseur de plus grands maux.

Je reçus cette nouvelle en même temps que l’invitation de rejoindre, pour prendre part à une souffrance stationnaire, comme j’avais fait à une souffrance mobile. L’investissement était achevé ; le siége ne pouvait tarder à s’ouvrir. Ce ne fut pas sans une grande répugnance que je m’approchai une seconde fois du théâtre de la guerre, comme peuvent s’en convaincre ceux qui jetteront les yeux sur la deuxième estampe gravée d’après mes esquisses. Elle reproduit un dessin à la plume, que j’avais fait soigneusement peu de jours avant mon départ : dans quels sentiments, c’est ce que feront connaître les rimes que ce dessin m’avait inspirées :

Nous voilà donc au logis sans alarmes
De porte à porte, oh ! coup d’œil plein de charmes !
L’artiste heureux jette les yeux là-bas,
Où de la vie il voit le doux tracas.
S’il faut courir à la rive lointaine,
Ici toujours le désir nous ramène :
Le monde est beau, mais nous rêvons toujours
Au petit coin, nos uniques amours.