Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/200

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flammes avec beaucoup de maisons du voisinage ; après minuit, l’église des jésuites. Nous observions cet affreux spectacle de la redoute devant Marienborn. Le ciel était brillant d’étoiles, les bombes semblaient rivaliser avec les flambeaux célestes, et il y avait des moments où l’on ne pouvait réellement les distinguer. Qu’un pareil spectacle faisait bien paraître tout le malheur de notre situation, puisque, pour nous sauver, pour nous rétablir en quelque mesure, il nous fallait recourir à de pareils moyens !

On parlait depuis longtemps d’une batterie flottante, construite àGinsheim, et qui devait opérer contre la tête du Mein, les Iles, les prairies voisines et les occuper. On en parla tant qu’à la fin on n’y songea plus. Comme je faisais à midi ma promenade accoutumée vers notre redoute au delà de Weissenau, j’y fus à peine arrivé, que je remarquai sur le fleuve un grand mouvement ; des bateaux français faisaient force de rames pour atteindre les.îles, et la batterie autrichienne, dressée pour balayer Je Rhin jusque-là, faisait sans relâche un feu à ricochets, spectacle tout nouveau pour moi. Au premier choc du boulet sur l’élément liquide se produisait un rejaillissement d’une hauteur considérable ; l’eau n’était pas retombée, qu’il s’en formait un second, considérable encore, mais moins que le premier, et ainsi de suite pour le troisième, le quatrième, qui diminuaient toujours, jusqu’à ce que, s’approchant des bateaux, il agissait plus uniment et leur faisait courir de sérieux dangers. Je ne pouvais me rassasier de ce spectacle, car les coups se suivaient sans relâche, et de nouvelles colonnes d’eau s’élevaient toujours avant que les premières fussent tout à fait écoulées.

Tout à coup, sur la rive droite, en amont, se démarre entre des buissons et des arbres une singulière machine : une grande plate-forme quadrangulaire, de poutres assemblées, flotte et s’avance, à ma grande admiration, à ma grande joie, en même temps, de me voir témoin oculaire de cette importante expédition, dont on avait tant parlé. Toutefois mes vœux en sa faveur parurent sans influence ; mon espoir ne dura pas longtemps, car bientôt la masse tourna sur elle-même ; on vit qu’elle n’obéissait pas à un gouvernail ; le courant l’emportait toujours tournante. Dans la redoute du Rhin au-dessus de Castel, et de-