Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/21

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sources de son esprit. Par l’influence de ce sage conseiller, Meyer lui-même détourna leur ami de ce voyage. Cependant Goethe voulut visiter la Suisse une troisième fois. Il mena Christiane et son fils chez sa mère, qui les accueillit avec tendresse. Ils passèrent ensemble quelques jours heureux.

Après son retour, le poète allait se plonger encore dans les recherches scientifiques, mais Schiller était là pour le rappeler à sa première vocation, et il le décida à écrire les dernières scènes de la première partie de Faust. Goethe méditait même une épopée1. Le héros serait-il Achille ou Guillaume Tell ? La scène se passerait-elle dans le monde antique ou dans le monde moderne ? Ge doute n’était pas la seule cause qui arrêtât le poète ; il ne s’était pas fait encore une théorie claire de l’épopée. Il écrivit un chant de l’Acliilicide, et il s’en tint là.

Attiré d’un autre côté, il travailla avec Meyer aux Propylées, dans le même temps (1799) où le jeune Walter Scott traduisait Gœlz de Berlichingen, et entrait dans la carrière où il a moissonné tant de gloire.

La générosité de Charles-Auguste mit Schiller en mesure de quitter léna et de s’établir à Weimar, où il passa le reste de sa vie, désormais confondue avec celle de son ami dans la poursuite des mêmes desseins, le progrès des arts et de la littérature et la création d’une scène nationale.

Le nouveau théâtre de Weimar s’était ouvert en 1790. Goethe en avait pris la direction avec une autorité absolue. Il était indépendant même du succès. La cour payait la dépense, et le poète pouvait faire tous les essais qu’il jugeait convenables. Il surveillait les répétitions, observait les comédiens avec une grande attention. Il avait à cœur, comme Schiller, de porter l’art dramatique à une hauteur idéale, pour en faire l’école de la nation. Mais Weimar ne leur offrait pas un véritable public. En présence de la cour, les spectateurs demeuraient froids et réservés. La salle n’était animée que les jours où l’on y voyait paraître les étudiants d’Iéna. Ils arrivaient dans la ville en faisant un affreux tapage, vêtus et coiffés d’une manière étrange, les uns à cheval, les autres en voiture : objet d’effroi pour le tranquille Weimar. Ils poussaient des cris qu.’ils appelaient des chants ; ils provoquaient par leurs moqueries les paisibles soldats de la garde, qu’ils appelaient « les grenouilles, » à cause de leur uniforme vert et jaune. Quoi qu’il en soit, ils animaient


1. Voiries Annales, page 266.