Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le théâtre, mais ils y trouvaient, pour les tenir en respect, un personnage qui n’avait qu’une médiocre estime pour leurs excentricités, c’était M. de Goethe, le conseiller intime. Écoutons Edouard Devrient, l’auteur d’une excellente histoire de l’art dramatique en Allemagne.

« Il était assis dans un fauteuil au milieu du parterre, et, de son regard imposant, il dominait et dirigeait l’assemblée, tenait en bride les mécontents. Quand les étudiants faisaient trop de tumulte, il se levait et commandait le silence. A la représentation d’Alarcus, par Frédéric Schlegel (1802), les applaudissements d’une partie du public ayant provoqué une forte opposition de rires, Goethe se leva et, d’une voix de tonnerre, il s’écria : * Qu’on ne rie pas !» Il en vintàdéfendre toute marque bruyante d’approbation comme de désapprobation. Il endurait même fort peu la critique. Bœtliger avait écrit un article où sa direction était jugée sévèrement : il en eut connaissance et il déclara que, si l’article paraissait, il donnerait sa démission, et Bœttiger le retira. »

On comprend que les comédiens lui devaient être absolument soumis. 11 commandait eu maître, mais il était aimable et bon. Il savait remarquer les moindres succès. Les artistes avaient pour lui une vénération profonde. Un regard encourageant était une récompense ; une parole bienveillante, une distinction inestimable. Aussi, malgré la modicité des appointements et la sévérité du directeur, la magie des noms de Goethe et de Schiller attirait-elle à Weimar de bons comédiens de toutes les villes d’Allemagne. Le théâtre prit un nouvel essor. Goethe, qui s’était de tout temps intéressé à ce qui intéressait ses amis, se laissa entraîner par l’enthousiasme de Schiller, et considéra le théâtre comme un moyen de civiliser la nation allemande. Don Carlos, Egmont, Walknstein, furent joués successivement. L’effet fut immense, et la scène de Weimar s’éleva quelque temps au grand style.

Mais cette prospérité ne dura guère. Après la mort de Schiller, le zèle dramatique de son émule se ralentit. Puis vinrent pour le théâtre, comme pour le pays, les jours de l’adversité, après la bataille d’Iéna. En 1813, le comte de EJelink fut chargé de seconder le directeur. En 1817, Auguste de Goethe, son fils, lui fut associé. Le poète éprouvait des contrariétés. Caroline Jagemann, actrice et cantatrice favorite de Charles-Auguste, devenue Mme de Heygenr dorf, trama une intrigue contre Goethe, dont elle n’avait jamais aimé l’influence. Cependant il patientait par amitié pour le prince. Un misérable incident vint mettre à bout la patience du directeur.