Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/213

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nument de Drusus, tel à peu pïès que je l’avais dessiné dans mon enfance, toujours inébranlé ; et pourtant que de boulets l’avaient effleuré, l’avaient frappé peut-être !

On ne pouvait s’arrêter longtemps a gémir sur le triste état de la ville, car l’hôte et l’hôtesse et tous les Mayençais auxquels on adressait la parole semblaient oublier leurs propres souffrances pour se répandre en longs récits sur la détresse sans bornes dans laquelle les bourgeois de Mayence, forcés de quitter la ville, s’étaient vus plongés entre les ennemis du dedans et du dehjors. En effet, ce n’était pas seulement la guerre, c’étaient les fureurs de l’anarchie qui avaient préparé et causé ce malheur.

Nos esprits se reposèrent un peu de ces calamités et de ces misères, au récit des actions héroïques de braves Mayençais. Ils jugèrent d’abord, avec effroi, le bombardement un désastre inévitable ; la puissance destructive des boulets rouges était si grande, le mal si terrible, que nul ne croyait pouvoir y opposer de résistance ; mais enfin, familiarisé avec le danger, on résolut d’y faire tête. Une bombe tombait-elle dans une maison, on l’éteignait avec de l’eau toute prête, et c’était un sujet de gaillardes plaisanteries. On contait merveilles de femmes héroïques, qui s’étaient ainsi sauvées elles et leurs familles. Mais on eut à regretter aussi de braves gens : un pharmacien et son fils furent victimes d’un pareil acte de courage.

Au reste, tout en déplorant ces malheurs, en se félicitant de les voir à leur terme, on s’étonnait que la place n’eût pas tenu plus longtemps. Dans la nef de la cathédrale, dont la voûte avait résisté, se trouvait encore un grand amas de sacs de farine auxquels on n’avait pas touché ; on parlait d’autres provisions, de vins en quantités inépuisables. Cela fit soupçonner que la dernière révolution survenue à l’aris, qui avait porté au gouvernement le parti auquel appartenaient les commissaires envoyés à Mayence, avait accéléré la reddition de la forteresse. Merlin de Thionville, Rewbel et d’autres désiraient être sur les lieux, n’ayant plus rien à craindre, et ayant au contraire beaucoup à espérer, après la chute de leurs adversaires. Il fallait commencer par se fortifier à l’intérieur, prendre part à ce changement, s’élever à des postes importants, accaparer de