Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/212

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la porte d’une maison basse et presque enfouie dans la terre. Nous étions surpris de la voir sitôt revenue, mais nous apprîmes qu’elle n’était point sortie, quoiqu’on l’eût invitée à quitter la ville. « Ces paillasses, nous dit-elle, sont aussi venus chez moi avec leurs écharpes bariolées ; ils ont commandé et menacé, mais je leur ai dit la franche vérité : « Dieu me lais« sera en vie et en honneur dans ma pauvre maison, longtemps « après que je vous aurai vus dans la honte et dans l’infamie. » Je les ai envoyés promener avec leurs momeries. Ils ont craint que le voisinage ne fût troublé de mes cris, et ils m’ont laissée en repos. Et j’ai passé de la sorte tout le temps soit dans ma cave soit au grand jour, me nourrissant de peu, et je vis encore pour la gloire de Dieu, et ces drôles passeront mal leur temps. »

Ensuite elle nous fit remarquer en face la maison du coin, pour nous montrer comme elle s’était trouvée près du danger. Xous pûmes jeter les yeux dans la salle basse qui était à l’angle d’une belle maison. Quel étrange spectacle ! Cette salle avait renfermé depuis de longues années une collection de curiosités, figures de porcelaine et de pierre, tasses, assiettes, plats et vases de Chine ; les ouvrages d’ivoire et d’ambre n’y avaient pas manqué, non plus que les travaux du ciseleur et du tourneur, les tableaux composés avec la mousse, la paille et autres matières, enfin tout ce qu’on peut imaginer dans une collection pareille ; mais on ne pouvait en juger que par les débris, car une bombe, qui avait percé tous les étages, avait éclaté dans cette salle. La violente expansion de l’air, en jetant tout au dedans hors de sa place, avait lancé les fenêtres à la rue avec leurs treillis, qui auparavant garantissaient l’intérieur, et maintenant s’avançaient en saillies bombées entre les barreaux de fer. La bonne femme assurait qu’à cette explosion, elle s’était crue morte.

Nous dînâmes à une table d’hôte qui réunissait de nombreux convives. Au milieu de leur bavardage, nous jugeâmes à propos de nous taire. Mais nous fûmes bien surpris d’entendre demander aux musiciens la Marseillaise et le Çà ira. Tous les convives en parurent satisfaits et réjouis.

J’accompagnai des amis à la citadelle et j’y retrouvai le mo-